LeRouge&leBlanc n°150

La revue

N° 150
17 €
13 €

La Champagne redécouvre ses cépages anciens

La Champagne redécouvre ses cépages anciens

Pacherenc du Vic-Bilh : le Madiran blanc

A la rencontre de Jean Foillard

Interview de Marc-André Selosse

  • Mathieu et Camille Apffel (Vin de Savoie)
  • Prieuré Saint-Jean-de-Bébian (AOP Languedoc - Vin de France)

Coup de pouce 

Domaine Pierre-André Vadé (Saumur-Champigny)

Château del Ranq (Pic Saint Loup)

Vignoble des Trois Terres (Alsace)

52 pages
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Extrait de la revue

LE VIN FRANÇAIS EN DANGER ?

LE ROUGE & LE BLANC

Qui dit rentrée dit vendanges, et qui dit vendanges, désormais, dit soucis. En ce mois de septembre, l’horizon du vin français est une fois de plus préoccupant. Ces dernières années, viticulteurs, vignerons et autres professionnels du vin en France ont vu les sujets d’inquiétude se multiplier et combiner leurs effets néfastes.

Par exemple, le dérèglement climatique engendre des phénomènes, autrefois exceptionnels, devenus aujourd’hui habituels : gel, grêle, mildiou galopant ou sécheresse mettent en danger l’équilibre économique de nombreux domaines.

La flambée des prix des matières sèches et des coûts annexes, produits phytosanitaires, gasoil, cartons d’emballage et surtout du verre (plus de 50 % d’augmentation en deux ans alors que les verriers annoncent des profits record) aggrave encore leur trésorerie.

Face à ces avanies de la nature et des hommes, les vignerons font face. Nombre d’entre eux développent une activité de négoce qui “arrondit” les mauvaises années, mais risque de troubler la lisibilité de leurs étiquettes ; d’autres se lancent dans l’œnotourisme (un domaine alsacien réalise ainsi plus de 60 % de son chiffre d’affaires grâce à des visites guidées). Certains reviennent même à des pratiques anciennes de polyculture et d’élevage pour diversifier les sources de revenus.

Mais une majorité d’entre eux sont désormais inquiets pour l’avenir de leur exploitation ou de leur retraite. Les millions d’hectolitres d’invendus stagnant dans les chais du Bordelais, du Languedoc ou des Côtes-du-Rhône ne vont pas s’évaporer par miracle.

Car le phénomène le plus inquiétant reste la baisse continue de la consommation de vin dans notre pays.

Le temps des millions de litres consommés par les ouvriers, les paysans ou les soldats au début du XXe siècle n’est plus d’actualité : le vin boisson de masse appartient à la préhistoire, et c’est heureux.

Si l’on se réfère à une période plus “moderne”, les chiffres sont implacables : entre 1960 et aujourd’hui, la consommation de vin a été divisée par plus de trois ! De 130 l par an en moyenne par personne en 1960, elle est tombée à 40 l en 2018. La France ne compte aujourd’hui plus que 11 % de consommateurs réguliers de vin, contre 50 % en 1980 selon une étude de FranceAgriMer de 2022. Il s’agit bien d’un phénomène structurel, pas seulement conjoncturel. Les statisticiens s’accordent d’ailleurs pour prédire que la consommation de vin baissera encore en France de 25 % pendant les dix prochaines années.

La grande gagnante de cette décroissance du vin est la bière dont la consommation a gonflé vertigineusement ces vingt dernières années, particulièrement chez les jeunes pour qui le vin (surtout le rouge) possède l’image “ringarde” de boisson pour les “vieux”. À l’inverse, l’image “locavore” des brasseries artisanales passées de 30 à 250 en un peu plus de dix ans (la France étant le pays européen où il y en a le plus), et le marketing agressif des grandes marques expliquent en grande partie ce succès commercial.

Finissons malgré tout par une note moins morose : la décroissance touche presque exclusivement les vins de consommation courante alors que les vins de qualité se portent plutôt bien (leur consommation annuelle par tête est passée de 12,5 l en 1960 à 18,9 l en 2018). Même si nos lecteurs achètent et consomment sans doute très majoritairement des vins “de qualité” (mais l’augmentation du prix de ces vins est potentiellement préoccupante), Le Rouge & Le Blanc ne doit pas se désintéresser des vins plus courants, car ces deux univers sont liés.

La fragilisation croissante du tissu économique du vin risque en effet de remettre en cause la santé de tous les domaines, même ceux que nous aimons et défendons. Alors, à leur santé, levons nos verres ! (Avec modération, bien sûr.)